Quelles que soient les destinations et les dates, les prix des billets d'avion sont voués à augmenter

La 78e assemblée générale annuelle (AGA) de l'Association du transport aérien international (IATA) et le Sommet mondial du transport aérien (WATS) vient de se clôturer à Doha, au Qatar. En plus des perspectives économiques du transport aérien dans la période post-Covid, les principaux sujets à aborder comprenaient : la guerre en Ukraine et ses implications pour le monde globalisé ; les défis pour atteindre la durabilité, et donc les émissions nettes de carbone zéro d'ici 2050, la réduction de l'utilisation de plastiques à usage unique, la limitation de la capacité aéroportuaire dans le monde et le transport sûr des batteries au lithium. Et pour les participants, la question était également de savoir si ce la hausse des tarifs aériens aura des conséquences sur l'accès à ce mode de transport, et à ses ambitieux plans de croissance malgré la crise climatique.

En France, une augmentation de près de 20% des prix billets

Prendre un avion va coûter de plus en plus cher, et c'est parti pour durer. Alors que les prix étaient relativement bas pendant les deux années de crise sanitaire, la levée de la plupart des restrictions de déplacement et le retour du trafic qui l'accompagne entraînent une forte hausse des tarifs. Aux États-Unis, le prix moyen d'un trajet intérieur a explosé en six mois, de 202 dollars en octobre 2021 à 336 dollars en mai 2022, selon les statistiques de la branche de la Réserve fédérale de Saint Louis. Dans l'Union européenne, le tarif hors taxes moyen d'un billet aller est revenu en avril au niveau de celui du même mois de 2019, après avoir chuté de plus de 20% en 2020, selon des données de Cirium, une entreprise spécialisée dans l'étude du secteur. Et en France, les prix des vols au départ du territoire, pour tous les types de trajets, ont augmenté de 19,4% en mai par rapport au même mois de 2021, selon la Direction générale de l'aviation civile. Par exemple, la compagnie Air Caraïbes indiquait le 17 juin dans un communiqué que face à «une hausse brutale du prix du kérosène de plus de 15%», elle procédait à une augmentation du prix de ses billets, allant de 3 à 30 euros. Dans ce communiqué diffusé jeudi soir, la compagnie a mis en avant «l'augmentation, avec effet rétroactif au 3 juin, de l'ordre de 15% du prix du kérosène dans l'ensemble des départements français des Antilles».

D'autres causes de cette hausse sont connues : demande revigorée plus vite que prévu, offre toujours contrainte par des difficultés d'organisation et de pénurie de main-d’œuvre, inflation sans précédent depuis 40 ans... Les compagnies aériennes s'attendent à consacrer 24% de leurs coûts au carburant cette année, contre 19% en 2021. Et, alors qu'elles doivent reconstituer leurs trésoreries saignées par la crise sanitaire, elles sont contraintes de transférer ces hausses aux clients. Pourtant, «nous ne voyons pas de réduction de la demande, et je ne pense pas que nous en verrons», assure le directeur général du géant américain United Airlines, Scott Kirby, en mettant les hausses actuelles en perspective : «en termes réels, les prix sont revenus au niveau de 2014, et plus bas qu'avant cette époque».

Va-t-on vers la fin de la démocratisation du transport aérien ?

«Les compagnies ne pourront pas absorber ces hausses de coûts (...), la transition devra être répercutée sur les prix des billets, et cela pourrait ralentir une partie de la croissance», a concédé mardi le directeur général de l'organisation, Willie Walsh.

«Les voyages qui se déroulent actuellement résultent des plans de relance des gouvernements, qui sont devenus du revenu disponible» pour les particuliers, constate Vik Krishnan, partenaire chez McKinsey et spécialiste de l'aérien. «Le premier poste de dépense discrétionnaire est le voyage, et c'est ce que les gens font. Reste à savoir combien de temps ça va durer», se demande-t-il. Au-delà de ces défis, plane sur le transport aérien une épée de Damoclès : la nécessité de ne plus contribuer au réchauffement climatique à l'horizon 2050, comme il s'y est engagé, tout en transportant 10 milliards de personnes par an contre 4,5 milliards en 2019.

Pour décarboner, les compagnies comptent aux deux tiers sur les carburants d'aviation durables (sustainable aviation fuels, SAF) qui sont actuellement deux à quatre fois plus chers que le kérosène d'origine fossile. Certains gouvernements commencent à en rendre l'incorporation obligatoire en petites quantités, ce qui a déjà contraint des compagnies à imposer des surcharges. Mardi, l'Iata a exhorté à subventionner la production de SAF pour parvenir à 30 milliards de litres disponibles en 2030 contre 125 millions en 2021, avec l'obsession de faire baisser les prix. Le coût total de la transition vers «zéro émission nette» ? Selon l'Iata, 1550 milliards de dollars sur 30 ans. «Les compagnies ne pourront pas absorber ces hausses de coûts (...), la transition devra être répercutée sur les prix des billets, et cela pourrait ralentir une partie de la croissance», a concédé mardi le directeur général de l'organisation, Willie Walsh. De quoi renverser la tendance de longue date à démocratiser le secteur ? Pour M. Krishnan, en effet, «la démocratisation va être plus difficile à obtenir». Mais «ce sera très compliqué pour les gouvernements de revenir» sur l'accès du plus grand nombre aux voyages aériens, prévient-il.


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